des nuits

Présentation du numéro

Ce numéro est né de la place prise par le « monde de la nuit » dans la culture urbaine contemporaine « la Night », dirait-on aujourd’hui. L’essor des « Night Studies » en témoigne. La Fée Électricité a fait reculer l’obscurité et les peurs qu’elle recelait. Des territoires de vie, des manières d’être ont émergé, avec leurs façons de s’habiller, leurs vestiaires. Les fées de la mode s’en sont mêlées.

 

Fidèle à notre éclectisme, ce numéro ne se limite pas à cette seule nuit urbaine ni aux seules tenues de soirée. Le sommeil aussi a ses vêtements et le passé ses nuits. Ainsi défile notre kaléidoscope d’époques et de personnes, de lieux et de milieux, de pratiques et d’histoires vestimentaires. Ce sont les boîtes noires de nos enquêtes, nos boîtes de nuit.

 

Un jeune kleptomane qui opère travesti en femme. La règle vestimentaire d’un couvent du XVIIe siècle. Des couturières, dites « minuinettes », tenues de confectionner du jour au lendemain des habits de deuil sur le fil des lois du travail. Des tisseurs associant brillance de la soie et transparence de la cellophane pour doter les robes du soir d’un glamour inédit. Un photographe de mode en butte aux critiques du Vogue américain qui lui reproche un esthétisme d’un noir si sombre qu’il fruste les lectrices des détails des vêtements photographiés. La délicate conversation des personnels de conservation avec les vêtements dont ils ont la charge dans les archives des maisons de couture. Des passants anonymes sauvés de l’obscurité par des photographes ambulants. Voilà ce qu’on découvre en ouvrant nos boîtes.

 

Ailleurs, on trouvera un fétichiste du bonnet de nuit, des élégantes en pyjama, des endormis rêvant de nudité, des noctambules en mal de nuits pendant le Covid-19, des policiers infiltrés dans les bals masqués de la IIIe République, à l’affût des indécences, un Honoré de Balzac bourreau de travail (nuit et jour) à la poursuite d’un absolu littéraire déchiffrable jusque dans sa robe de chambre. Des comédiennes aguerries dans l’art de se coucher et se lever sur scène, des médecins du XIXe siècle disputant avec des « bandagistes » de l’efficacité des ceintures contre la masturbation, des héroïnes de fiction en mode Cendrillon se demandant comment être la-plus-belle-pour…, et de futures mariées comment s’habiller (et se déshabiller) le soir de leur nuit de noce.

 

Enfin, il y a « les » boîtes, les « vraies » boîtes de nuit. Les discothèques. Les freeparties et les multiples scènes du clubbing contemporain, dont un article tente la théorie à la lumière de Michel Foucault. À la fois avantscènes et caisses de résonnance des modes de leur temps. Faute de le transformer en dancefloor, elles donnent à ce numéro son ambiance sonore, sa sourdine, sa playlist : disco, house, dance, etc. Leurs noms suffisent à réveiller une époque et des figures : Le Palace, le Studio 54, racontés par des photographes témoins. Le Pulp et sa dame-pipi improvisant dans ses toilettes des shootings devenus iconiques. Et jusqu’à aujourd’hui, les optimistes soirées eurodance La Darude à Paris où l’historien ethnographe, fasciné par les interactions de la musique, des corps et des vêtements, se fait chasseur de papillons.

Sommaire

« Nos boîtes de nuit »,
Éditorial [en ligne]

« Conjurer la peur, éclairer la nuit. Entretien avec A. Roger Ekirch »,
par Marjorie Meiss [en ligne]

« Les marcheurs de nuit. Un portfolio imaginé en collaboration avec Emmanuelle Fructus »,
entretien mené par Patrice Verdière [en ligne]

« Les nuits d’Alfred Noël, travesti-cambrioleur. Archives de police judiciaire de l’Hérault, 1887 »,
par Gabrielle Houbre [en ligne]

« “L’uniforme saphique”. Les codes vestimentaires dans les cabarets féminins parisiens »,
par Bruna Holderbaum [en ligne]

« Le garde-robes des nuits berlinoises. Entretien avec Pierre-Yves Gayraud, créateur des costumes de la série Babylon Berlin »,
par Manuel Charpy [en ligne]

« Le noir se fait la nuit. Veillée et industrie du vêtement de deuil dans la législation du travail »,
par Valérie Albac [en ligne]

« Bleu de nuit. De la rigueur des uniformes à l’élégance discrète »,
par Annie Mollard-Desfour [en ligne]

« “Mais quand la nuit avait jeté sa draperie”. Métaphores vestimentaires et personnifications de la nuit. Poésie et peinture »,
par Marie Schiele [en ligne]

« L’élégance des vampires. L’évolution de leur vestiaire, des romans aux écrans »,
par Sylvie Perault [en ligne]

« Matières et métiers pour une nuit miraculeuse. De quelques fournisseurs pour briller en soirée »,
par Émilie Hammen [en ligne]

« Une nuit de ténèbres au Vogue (1936). Horst P. Horst et la noirceur comme stratégie photographique »,
par Marlène Van de Casteele [en ligne]

« De la lumière à l’ombre. Mode et archives de mode »,
par Jeanne-Léopoldine Claustre [en ligne]

« Élucubrations. Balzac, visionnaire en robe de chambre »,
par Gabrielle Smith [en ligne]

« Clair-obscur. Entretien avec le peintre Thomas Lévy-Lasne »,
par Mathieu Buard [en ligne]

« La nuit révolutionnaire : chamboule-tout vestimentaire ? »,
par Philippe Bourdin [en ligne]

« Sous surveillance. Archives de nuits costumées »,
par Corinne Legoy [en ligne]

« Lampes à la mode. Les torches électriques dans la Chine des années 1870-1930 »,
par Frank Dikötter [en ligne]

« Jenny, reine de la nuit. Entretien avec la physio historique du Palace »,
par Patrice Verdière [en ligne]

« La galerie du Pulp. Yvette Néliaz aka Dame Pipi »,
entretien mené par Mathieu Buard [en ligne]

« Dancing in the Dark. Frontières corporelles et limites vestimentaires dans l’expérience du clubbing »,
par Nicola Brajato [en ligne]

« Last Dance. Nuits disco à New York, par Bill Bernstein, photographe »,
entretien mené par Maude Bass-Krueger [en ligne]

« “Ce soir, je serai la plus belle…”
Vicissitudes vestimentaires de quelques personnages de fiction »,
par Sylvie Folléa [en ligne]

« Sous les BPM : entre peau et vêtement.
Ethnologie, photographie et musiques électroniques »,
par Frédéric Trottier-Pistien [en ligne]

« Privés de nuit. Échange avec Jérôme Bonnet, photographe »,
par Sylvie Folléa et Patrice Verdière [en ligne]

« Avec quoi dormez-vous la nuit  ? »,
enquête menée par Clara Bouteille [en ligne]

« L’amant du bonnet de nuit. Alfred Binet et le fétichisme amoureux »,
présenté par Sylvie Chaperon [en ligne]

« Une chemise de nuit fendue »,
par Isabelle Paresys [en ligne]

« Déshabillage nuptial. Les vêtements de la nuit de noces, France, XIXe siècle »,
par Aïcha Limbada Salmon [en ligne]

« Se coucher et se lever en scène. Déshabillages et résistances (Paris 1890-1914) »,
par Manuel Charpy [en ligne]

« L’histoire du pyjama. Une mise en scène du loisir et du luxe »,
par Lacey Minot [en ligne]

« De l’étoffe dont les rêves sont faits. Quelques jalons (XVIe-XVIIIe siècle) »,
par Claire Gantet [en ligne]

« Voiles de nuit dans les couvents féminins des XVIIe-XVIIIe siècles. Un petit florilège trivial et mystique »,
par Nicole Pellegrin [en ligne]

« Chaste sera la nuit ? Vêtements, accessoires et masturbation, France, fin XVIIIe-début XXe siècles »,
par Pauline Mortas [en ligne]

« Lutineries noctambules, foutreries d’aubes. Abécédédaire »,
par Céline Mallet et Mathieu [en ligne]